Autoportrait en guide

Mon prénom, Irina, me trahit : je suis une Française d’adoption mais Russe de naissance, née à Moscou. J’ai commencé à apprendre le français à l’âge de 5 ans. Je n’avais pas le choix : mes parents partageaient la passion des Soviétiques pour tout ce qui est français, de d’Artagnan à Yves Montand. Une correspondance avec une famille française, engagée par le biais de mon lycée, a scellé mon sort.

Après des études universitaires de littérature française, plus un Master de journalisme en poche, j’ai débarqué à Paris à 23 ans. La France est devenue mon quotidien. Paris, mon grand amour.

Quinze ans plus tard, j’obtenais ma naturalisation. La lettre signée du Président de la République était dûment encadrée au mur, avec une fierté toute gauloise. A ce moment-là, saturée d’un travail pépère mais peu stimulant dans le marketing digital, j’ai pris mon courage à deux mains et j’ai fait un volte-face professionnel.

J’avais toujours aimé Paris avec une passion béate, irréfléchie, indestructible, que même les grèves des transports n’avaient su ébranler. Mes amis parisiens la trouvaient louche. Cette passion, ainsi que l’amour des livres et de l’art, m’a menée tout droit vers une nouvelle vocation : guide-conférencière.

Je n’avais jamais été aussi professionnellement heureuse qu’en arpentant avec mes clients les rues de Paris, les salles du Louvre et du musée d’Orsay, les couloirs du Château de Fontainebleau, les expositions du Grand Palais. J’y serais encore aujourd’hui, si ce n’était pour un handicap particulier : j’étais amoureuse. Or mon fiancé venait de se faire muter aux Pays-Bas.

J’ai tapé sur les murs. Pleuré toutes les larmes de mon corps. Invoqué puis injurié tous les dieux des grandes entreprises. Et puis nous avons pris, ensemble, une grande inspiration… et nous avons atterri au pays de Rembrandt, de Vermeer, et de Van Gogh.

Au début je me disais simplement, pour me consoler : ça aurait pu être pire. Mais petit à petit, ça a commencé à venir. Un confinement et un enfant plus tard, j’arpente le Rijksmuseum, le musée Vincent van Gogh, le Mauritshuis, les ruelles de Delft et les canaux d’Amsterdam. J’apprends le néerlandais. Mon fils se gave des pepernoten traditionnels (les mini-gâteaux au spéculos) pour la Saint-Nicolas. Je n’arrive pas encore à aimer ce pays autant que j’aimais la France. Mais j’ai la chance d’être entourée d’un très grand art qui, au-delà des frontières et des langues, me nourrit, me passionne et me rend heureuse.

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